Le document initial ayant disparu avec le service qui l'hébergeait, en voici une nouvelle version. Attention, elle est susceptible d'évoluer pendant quelques temps.
Partie 1
Que ce soit pour du vitrail, de la miroiterie, simplement pour réparer une fenêtre ou pour ouvrir une bouteille, le principe de la coupe du verre reste toujours le même: rayer la surface pour amorcer la rupture à l'endroit voulu. Concrètement, c'est un peu plus compliqué que cela, voyons tout de suite pourquoi.
Le verre est un matériau étrange, ce n'est pas un solide !
(*) En fait la structure cristalline de ses molécules n'est pas arrangée de manière géométrique (ni cubique, ni hexagonale, ni autre); on dit que la structure est "amorphe", qu'elle n'a pas de forme précise. C'est justement cette disposition aléatoire des molécules qui fait que la casse du verre prend des parcours imprévisibles. La coupe n'est qu'une technique qui permet de forcer un peu le passage par une trajectoire souhaitée, et encore, sans garantie absolue.
Que se passe-t-il donc dans la matière lors de la coupe ?
Tout le monde sait qu'il faut rayer le verre pour le couper, mais rarement pourquoi. En fait, la rayure cause une très forte agitation localisée des atomes. A cette échelle, il y a un brusque échauffement. Dans certaines conditions favorables, il est même possible de constater cet échauffement par une phénomène lumineux (très faible évidemment mais révélateur du cataclysme moléculaire). Comme le verre est très mauvais conducteur de la chaleur, il se produit une dilatation localisée et donc des contraintes qui vont se propager dans le sens de la moindre résistance: l'épaisseur. Cela cause fragilité dans la structure, que des contraintes supplémentaires augmentent jusqu'à la rupture, à nous de l'exploiter.
Le déroulement est simple: l'outil raye la surface du verre et engendre le phénomène d'échauffement que l'on vient de voir. On peut accentuer cet effet en appliquant des chocs modérés le long du trait de coupe, par le dessous. Cela s'appelle "détonner". Sur un verre translucide, on peut voir l'amorce de rupture traverser l'épaisseur du verre qui est alors prêt à la séparation. Pour une longue coupe droite, on applique la contrainte sur le bord de la table et les pièces se séparent. Pour des pièces petites et aux formes courbes, il peut être utile de s'aider d'une pince à détacher.
L'outil:
Le diamant n'a jamais été utilisé pour couper le verre, il a toujours eu d'autres usages ;-)
Au moyen-âge, le verre était coupé par choc thermique, une technique qui sort du cadre de cet article. De nos jours, l'outil comporte une petite molette en carbure de tungstène, montée sur un support de forme très variable.
Dans tous les cas, la molette doit être en bon état et tenue bien perpendiculaire à la surface du verre, sans quoi son profil ne serait pas efficace. Bien faire attention à tenir compte de l'écart entre l'axe de la molette et le bord de son support, il peut y avoir plusieurs millimètres à compenser par le positionnement ou la taille du gabarit.
L'outil est placé contre le guide (règle ou gabarit), à un bord de la plaque. On y applique une force d'appui vertical, ferme mais pas excessif, il ne faut pas éclater le verre à force d'appuyer dessus, hein ! On déplace l'outil en maintenant la position et la force d'appui tout le long du parcours nécessaire. En une seule fois, sans revenir en arrière, sans hésiter. Cela peut nécessiter de répéter le geste afin de s'assurer que rien ne gêne le mouvement. Un bon indicateur de la réussite de l'opération est le bruit de rayure. Si celui-ci est constant, ça va. S'il s’interrompt, c'est que la molette n'est pas en condition de travailler correctement (angle, force, surface grasse, etc), et glisse au lieu d'entamer la surface.
La plupart des coupe-verre présentent une partie métallique permettant de frapper légèrement sous le trait de coupe pour détonner le verre et faire apparaître l'amorce de rupture.
Les modèles les plus évolués comportent un dispositif de lubrification de la molette et d'un réservoir d'huile de coupe dans le manche. Cette huile contribue à faciliter le travail de la molette. Rappelez-vous plus haut le chaos moléculaire engendré par la rayure dans la structure amorphe; l'huile de coupe provoque un refroidissement rapide de cette zone surchauffée, ce qui génère une contrainte interne souvent suffisante pour que l'amorce de rupture se forme spontanément.
Pour les modèles qui ne sont pas équipés de ce dispositif, on peut les passer sur un coton démaquillant imbibé d'huile, juste avant la coupe.
La séparation:
Pour une longue coupe droite, le plus rapide est d'aligner le trait de coupe avec le bord de la table, de saisir la partie en porte-à-faux, la soulever et la rabattre sur la table. La partie sur la table ne peut évidemment suivre le mouvement et la partie dans le vide se sépare en continuant sa trajectoire librement. Une variant est de placer une baguette de bois sous le verre, légèrement à côté du trait de coupe, toujours pour créer un porte-à-faux. Pour des pièces plus petites, un crayon suffit.
Pour les coupes en courbe ou irrégulières, une pince à détacher permet de déclencher la cassure de séparation à une extrémité, elle va se propager très rapidement.
Pour des formes complexes, il peut être nécessaire de s'y reprendre à plusieurs fois. Par exemple, une pièce à courbure très creuse présente bien plus de risque de casse si on essaye de la couper du premier coup. Il vaut mieux procéder en plusieurs coupes en quartiers de lune pour s'approcher progressivement de la forme souhaitée.
Attention: il n'est pas toujours possible, ni prudent, de chercher à obtenir directement la coupe définitive. En vitrail, il est la plupart du temps nécessaire de s'arrêter avant la limite fixée et de s'en approcher encore à la pince à gruger puis à la meule.
Voilà, la description est longue mais le processus ne prend que quelques secondes.
Pour débuter, le mieux est de s'exercer sur des chutes de verre à vitre que l'on trouve pour vraiment pas cher dans les magasins de bricolage proposant un service de coupe sur mesure. Dans la prochaine partie, nous verrons quelques spécificités de certains verres.
Cordialement,
Nicolas.
(*) Pour la petite histoire, le verre est en fait un matériau extrêmement visqueux dont l'écoulement est incroyablement lent. Le phénomène a été constaté au château de Versailles, dont l'épaisseur des vitres de la galerie des glaces a été mesurée et s'est révélée systématiquement plus importante en bas qu'en haut de chaque élément ! C'est évidemment infime.
Acheter chinois tue nos emplois.
Mon avatar: Doc Brown, l'inventeur fou de Retour vers le futur ( Christopher Lloyd )