ARTS & MACHINERIES

Entre arts et techniques, la frontière est parfois bien mince. Que l'on soit débutant ou expert, on est toujours fasciné par la transformation de la matière en un objet, d'un objet en un autre, la nouvelle vie d'un objet après modification ou réparation. Vous aimez travailler de vos mains, vous voulez apprendre ou partager vos connaissances ? Entrez, c'est ici que ça se passe ! Les fiches pratiques sont sur: http://groups.google.fr/group/arts-et-machineries?hl=fr   Pas de langage SMS sous peine de sanctions !

Nouvelle version ! La plateforme hébergeant notre forum a été modernisée et de nouvelles fonctionnalités sont disponibles. Le fonctionnement global n'a pas été modifié et vous n'aurez pas besoin de réapprendre quoi que ce soit.

L'aspect commercial des inventions

05-03-2009 à 16:00:38
Attention, document long !

Bonjour,

A force de fréquenter les inventeurs, j'ai pu observer quelques situations qui reviennent fréquemment. L'inventeur, pris dans on idée, en oublie souvent de considérer tous les aspects du domaine dans lequel il entre. Pour certains, au point d'oublier de vérifier l'intérêt de leur invention.

Dans les cas extrêmes, peut-on encore parler d'invention ? Sur certains forums spécialisés, on peut lire des contributions de gens qui proposent des idées qui existent déjà depuis longtemps en croyant révolutionner le monde. Il y a donc un premier obstacle de la culture générale, ou plus exactement de l'ouverture et de la recherche de se qui se fait ailleurs. C'est pourtant une notion fondamentale: l'invention, ça doit être nouveau. Si quelqu'un a déjà eu l'idée avant, ce n'est plus une invention au terme le plus strict de la définition d'invention. C'est bien pour cela qu'il est obligatoire de faire une recherche d'antériorité avant de déposer une demande de brevet, car cette dernière deviendrait sans objet en cas d'antériorité directe que le nouveau déposant n'a pas prévu de surpasser.

Et encore, le système actuel des brevet est particulièrement pervers dans le sens où les formalités en matière de brevet sont toutes payantes et que la validité juridique du brevet n'étant pas garantie, même des demandes totalement fantaisistes peuvent donner lieu à la délivrance d'un brevet d'invention. A moins d'une refont du code de la propriété industrielle, on risque de voir encore longtemps des gens se faire plumer par une service public qui vit de l'ignorance de certains. Le deuxième obstacle est donc qu'il n'y a pas de garde-fou contre les échecs prévisibles.

Troisième obstacle, la polyvalence obligatoire. L'invention est une démarche intellectuelle le plus souvent individuelle en dehors du cas du développement industriel en entreprise. L'inventeur est donc isolé et s'il ne dispose pas de plusieurs casquettes, il peut manquer de compétences dans les différents domaines qu'il doit pourtant considérer. Une invention est avant-tout une affaire technique, mais si sa protection par un brevet requiert quelques notions juridiques simples, sa viabilité nécessite de savoir en évaluer le potentiel commercial et sa rentabilité, donc d'avoir une idée assez précise des moyens de production, des coûts de revient...
Et c'est là que le problème apparaît le plus souvent: faute d'avoir fait des recherches préliminaires sur ce qui existe déjà, beaucoup d'inventeurs ne font que suivre le même raisonnement qu'un autre longtemps avant lui. Arrivé aux démarches administratives et à la recherche d'antériorité, il s'aperçoit que son idée a déjà été exploitée et que son projet tombe à l'eau, il est degoûté.
Dans d'autres cas, l'idée fonctionne et mieux n'a pas d'antériorité directe et la demande de brevet est bien fondée. Malheureusement, tous les inventeurs ne prennent pas la précaution de vérifier l'intérêt réel de leur invention avant de se lancer dans une procédure finalement très chère. Certains s'enferment dans un rêve et imaginent parfois un produit relativement complet, mais parfois trop complexe ou destiné à un segment de marché trop réduit qui anéantit tout espoir de rentabilité. Au moment de chercher des partenaires, c'est fatal.

Il y a une nuance entre un marché très réduit dit "de niche" et un marché trop réduit. Les deux n'attirent pas les investisseurs, le premier car il représente un risque, le second parce qu'il nécessiterait trop d'efforts pour pouvoir être reclassé comme le premier.
En effet, un marché de niche est un coup de dés, si le produit répond vraiment à un besoin fort mais limité en débouchés, le premier à prendre la place ( la niche ) s'installe et sera difficile à déloger car il aura pris de l'avance. Le reste du marché étant dès lors trop réduit, les concurrents hésiteront fortement à s'y aventurer.
Un marché trop réduit est par contre un risque considérable car il ne répond pas à un besoin, ou du moins à un besoin qui n'existe pas encore, qui n'est pas exprimé. Créer le besoin est donc la seule solution pour faire émerger un nouveau marché ( de niche ), mais cela nécessite un effort gigantesque pour convaincre d'éventuels partenaires et le plus souvent, l'ampleur de la tâche fait que l'inventeur reste seul. Certains s'obstinent et parviennent malgré tout à faire sortir leur invention, avec plus ou moins de bonheur, pour les autres c'est en pure perte.

Il ne s'agit donc pas de décourager les inventeurs potentiels. Bien au contraire, il faut leur faire comprendre que la panoplie de l'inventeur se doit de comprendre des outils de diagnostic commercial visant à évaluer le potentiel de vente, que ce soit sous forme de license d'exploitation du brevet ou de produits finis. Une analyse minutieuse du marché visé, ou à créer, doit permettre de développer une stratégie commerciale appropriée ou de faire évoluer le produit pour l'adapter à une ouverture spécifique de marché.

La connaissance des différentes techniques de fabrication peut être un avantage pour l'inventeur qui cherche à réaliser un produit innovant. Ce n'est pas forcément la haute technologie qui répondra le mieux à ses attentes et il faudra toujours faire le lien entre le coût de fabrication et le prix de vente admissible par la clientèle ciblée. Là encore, une approche commerciale est nécessaire.

Il est bien rare que l'inventeur dispose de toutes les ressources nécessaires: l'idée, les moyens, le savoir-faire, le marché. On est bien souvent soit technicien soit gestionnaire, rarement les deux. Quand on est vraiment sûr de son coup, l'association avec un partenaire apportant les ressources manquantes est la solution pour donner ses chances à un projet. Il ya alors la question de la conviction du partenaire, mais aussi de l'entente à moyen ou long terme, si difficile à évaluer. Mais c'est une autre histoire. Quatrième obstacle, la difficulté de maîtriser tous les aspects d'un projet.

Citons quelques outils pour évaluer le potentiel d'une invention:
- L'étude de marché: c'est l'analyse de ce qui se fait déjà, les ressources, les producteurs, les consommateurs, leur répartition, les flux, les volumes...
- La théorie de marché: c'est une hypothèse de calcul du volume maximum total du marché, du volume estimé de sa capacité de production, de coût de revient, de prix de vente, de marge et la comparaison avec une part raisonnable du marché global. On prend pour la théorie de marché un volume de vente volontairement très bas et compatible avec les moyens d'une toute petite structure qui débute avec un produit nouveau.

Ne pas confondre étude de marché et théorie de marché avec une étude de type comptes prévisionnels sur trois ans. Ces derniers ne sont qu'une gigantesque nullité que demandent les banques alors qu'elles-mêmes ne savent pas ce qui les attend le lendemain. Il est totalement ridicule d'essayer de prévoir l'imprévisible mais les banques ne sont pas plus étonnées que ça quand on leur présente un dossier avec une courbe de chiffre prévisionnel qui monte et attent l'équilibre budgétaire au bout d'un an. Ca, c'est ce qu'ils aimeraient, mais tout le monde sait qu'il est extrêmement rare que cela fonctionne aussi bien. Si autant d'entrepreneurs se plantent avant cinq ans, c'est qu'ils ont dû présenter des chiffres bidons à leur banque pour pouvoir démarrer. Tout le monde le sait, mais personne ne fait rien pour que ça change. On attendrait d'une banque qu'elle s'implique un peu plus dans les projets qu'on lui présente et se place en partenaire plutôt qu'en charognard. Toutes font l'impasse sur leur mission de conseil des clients, ne les aident pas et les poignardent dans le dos au premier nuage.
Cinquième obstacle, il vaut mieux être financièrement capable de subvenir à ses besoins car les banques ne jouent pas leur rôle.

Si l'inventeur est souvent seul, il a parfois un entourage qui le soutient. Il convient cependant de protéger cet entourage en ne risquant pas des biens personnels dans une aventure incertaine. A l'inverse, l'entourage ça évolue. Et comme pour les associés et partenaires, il faut se couvrir contre toute tentative de détournement. Certaines idées devront rester secrètes jusqu'à leur protection pour éviter toute mauvaise intention ou simple distraction.
Dans l'entourage de l'inventeur, il y a aussi les intervenants extérieurs: les sous-traitants prototypistes, les conseillers en propriété industrielle éventuellement mandataires, les partenaires commerciaux... La plupart sont compétents et de bonne foi, mais ils représentent des risques et surtout un coût significatif. Malheureusement, on peut parfois tomber sur des individus peu fiables dont la défaillance peut causer un tort considérable à l'inventeur. Il est quasiment impossible de prédire la capacité réelle de tel ou tel à réussir. Sixième obstacle, savoir s'entourer et faire le ménage si nécessaire.

Si après tout ça vous êtes toujours inventeur, c'est que vous êtes vraiment motivé !

Comme on dit, un homme averti en vaut deux, vous avez maintenant des éléments sur des pièges classiques que vous devriez pouvoir éviter. La première question à se poser est: est-ce que mon invention vaut le coup de s'exposer à toutes ces difficultés et quelles sont les chances de réussir ? Si on estime avoir les capacités pour y parvenir, pourquoi pas ?

Bon courage,
Nicolas.
Acheter chinois tue nos emplois.
Mon avatar: Doc Brown, l'inventeur fou de Retour vers le futur ( Christopher Lloyd )
  • Liens sponsorisés